De nombreuses entreprises américaines ont joué un rôle important dans les efforts de guerre au cours de la Seconde Guerre Mondiale, y compris des constructeurs de matériel agricole ou routier comme International Harvester, White, Massey Harris, J.I. Case et John Deere.
Lorsqu’en 1939 la guerre éclate en Europe, les États-Unis où la population est majoritairement isolationniste, entendent conserver à tout prix leur neutralité et ne pas se laisser entraîner dans la guerre comme en 1917. Néanmoins, l’action résolue du président Roosevelt permet de faire bénéficier le Royaume-Uni, puis l’Union soviétique d’une aide matérielle qui s’intensifie à la fin de 1941 après Pearl Harbor. La destruction de cette flotte américaine en plein Pacifique par les Japonais sort les États-Unis de leur isolationnisme et marque une étape importante dans la mondialisation du conflit. Les États-Unis transforment alors leur économie en crise en économie de guerre et se lancent dans le “Victory Program“. Roosevelt rétablit la conscription, mobilise 12 millions d’hommes et de femmes. Les États-Unis reconstruisent leur flotte de guerre et fabriquent en très grandes séries avions, canons, chars, moyens de transports militaires. Avec les “Limitation Orders“, toute l’industrie consacre une partie de ses activités dans cette bataille.
L’arrière petit fils de John Deere et dernier représentant de la famille Deere à la tête de la compagnie a démissionné de son poste pour accepter une commission en tant que colonel du Département de l’Ordonnance, mais à la demande du War Production Board est retourné au statut civil pour servir de directeur de la Division des machines et équipements agricoles.
Les hommes enrôlés dans cette mission ont passé une année à réparer des chars et de l’artillerie, d’abord à Warminster en Angleterre, puis à Familleureux-Manage en Belgique qui sera ensuite reprise par l’ennemi. Deux hommes du concessionnaire Rice City Tractor Corp. de Crowley en Louisiane se sont enrôlés dans le cadre du bataillon John Deere. Lucien Savoie et Leo Milton Miers rejoignirent les 700 hommes qui se rendirent à Savanna (Illinois) en 1942 avant de se rendre au camp Sutton en janvier 1943. Finalement, ils se rendirent à Warminster, en Angleterre, où ils réparèrent et entretenaient des machines pendant plus d’un an. Leurs racines de Louisiane et leurs capacités à parler français les ont propulsées comme interprètes lorsque le bataillon s’est déployé en France et en Belgique. Ils ont été particulièrement utiles pour le reste de la guerre et sont retournés aux États-Unis le jour du Nouvel An, en 1946.
David Savoie, le fils de Lucien, s’est rendu en Belgique en 1992 et a rendu visite à deux membres de la famille qui avaient logé les hommes de la Louisiane pendant leur séjour à Bruxelles.
“Ils étaient dans la mi-adolescence quand papa et le bataillon sont arrivés ici. Cette famille belge m’a montré une lettre que mon père leur avait écrite après la guerre. Je suis parti avec une douzaine de gaufres belges », se souvient-il.
Aujourd’hui, David Savoie chérit une série de livres photo créés par son père, Lucien, et continue à partager ces histoires. Il a également suivi son père professionnellement, et gèrait des magasins John Deere dans le sud-ouest de la Louisiane. John Deere accueillait une réunion annuelle des anciens combattants du bataillon à Moline jusqu’en 2000. David Savoie avait déclaré que son père et Leo Milton Miers y ont participé à plusieurs reprises jusqu’à la fin des années 1980, et qu’il avait eu l’occasion d’y assister lui-même.
“J’assistais à un salon de Moline en août 1994, en même temps que l’un de ces rassemblements. Papa est décédé en 1991, et j’avais informé les organisateurs que je serais en mesure d’y assister malgré tout “, a déclaré David Savoie. “Je ne peux vous décrire mon sentiment quand je suis arrivé et l’accueil qui m’a été fait.”
Un tracteur agricole deviendra un char léger
Près de 950 hommes ont postulé, mais 642 se sont réellement enrôlés dans ce Bataillon John Deere. Plus de deux tiers de ce bataillon venaient de concessionnaires John Deere. Robert Tarbell de la John Deere Plough Company à Syracuse (Etat de New York, USA), en était le commandant. La Deere & Company est alors appelée également à fournir l’armée en engins blindés et armés. Charles Deere Wiman avait anticipé cette demande et propose à l’armée l’année précédente de leur fournir 100 chars légers par jour pour le prix de 6500 à 8000 dollars. Ceux-ci sont de type tricycle et sont basés sur le tracteur agricole modèle A lancé en 1934. Expédiés à Aberdeen Proving Ground dans le Maryland, les prototypes débutent leur campagne d’essais en janvier 1941. Le A militarisé est caréné de plaques d’acier pour le blindage et est doté de deux tourelles à commande hydraulique qui abritent une mitrailleuse de calibre 30. Un conducteur peut emmener deux canonniers. S’il est prévu pour circuler sur des roues en caoutchouc, l’armée fait aussi le choix de disposer de roues en fer pour franchir les zones les plus meubles. Peu d’exemplaires seront ainsi chaussés, compte tenu de l’inconfort (le tracteur sautillait sur les pavés) et du manque de polyvalence de ces roues rigides qui nécessitaient d’être remorquées s’il fallait emprunter les routes pavées.
Divers points se sont également révélés handicapants pour évoluer en direction de l’ennemi. Par son mode tricycle, le A s’avère instable. Et à cause de son blindage et de son pot d’échappement, la visibilité est jugée insuffisante. Les cheminées d’admission d’air et d’échappement d’air sont alors enlevées, et finalement un large essieu avant lui est greffé pour qu’il ne se retourne pas au premier passage d’une ornière ou ne s’enfonce pas dans le sable.
Le “A” devenu un char léger devait être utilisé en renfort des tanks lourds. Mais même modifié, le blindé John Deere s’avère être inadapté et l’armée américaine ne donne pas son feu vert à Charles D. Wiman pour produire ses 100 exemplaires quotidiens. Les prototypes testés seront mis au rebut et seront vraisemblablement démantelés après guerre. John Deere va toutefois contribuer activement à l’effort de guerre jusqu’à la fin du conflit en fournissant des transmissions de chars, des pièces d’avions, des munitions ou des unités de lavage mobiles. Pour faire revivre ce pan de l’histoire, trois passionnés de la marque, Brian Anderson, Leo Milleman et Curt Clark ont reproduit les deux variantes militarisées du John Deere A. Les données d’ingénierie étant inexistantes, ces hommes n’ont été guidés que par les neuf photos d’époque connues et issues des archives de l’armée. Si vous fréquentez un évènement dédié aux véhicules anciens dans l’Iowa, qu’ils soient investis d’engins agricoles ou militaires ou alors que vous participiez aux Memorial Days, vous aurez peut être la chance de voir ces répliques évoluer. Ceux-ci ont d’ailleurs déjà été exposées dans le John Deere Collector Center de Moline, dans l’Illinois.